[Chronique] Espiiem - Haute Voltige (2013)

Genre: Rap français sans carcan.
Label: 75ème Session.
Date de sortie: 16 Septembre 2013.
Productions: Travis Brickman, Kaytranada, Evil Needle, The Hop, Cruz Kvanh, Nino Ice, High Klassified, ...
Featurings: /

Après avoir entendu les prémices de cet opus lorsque nous avions convié le MC à l'une de nos soirées Anything But Noise il y a de celà quelques mois, nous ne pouvions qu'être totalement impatients d'écouter le projet finalisé. Et bien, le voilà, possédant en guise d'écrin une pochette remarquable signée du même artiste qui avait déjà œuvré sur celle de Jazzy Bazz et qui nous plonge d'emblée dans l'univers pour le moins atmosphérique choisi par Espiiem.

On entame les débats sur l'introductif "Dilemne", qui a lui seul résume toute la complexité du personnage Espiiem. Partagé entre une profonde spiritualité et les tentations d'une rue qu'il côtoie au quotidien, il doit se résoudre à faire un choix, à prendre son envol. C'est donc logiquement qu'on enchaîne sur "Haute Voltige", premier single et morceau titre, qui est clairement un banger incontournable et cosmique où Espiiem continue d'être tiraillé par son environnement et ses velléités, le tout sur un beat totalement renversant de Travis Brickman, qui confirme tout le bien que l'on a pu dire sur lui. Ce morceau, finalement, c'est un peu le "Swimming Pool" du rappeur parisien ou comment s'ancrer dans la tête de l'auditeur tout en ayant un discours censé, sans oublier la forme, ici sous les atours d'un flow imparable et tentaculaire, virevoltant sur la production avec une aisance rare.

On notera aussi le redoutable "Kilimandjaro", hymne à l'élévation bouncy à souhait, conçu par le trop méconnu Kaytranada, véritable banger totalement maîtrisé qui montre à nouveau à quel point Espiiem a su se dévêtir de ses atours de MC estampillé "jazzy" pour s'acoquiner avec des sonorités clairement sudistes et/ou électroniques... Un changement de direction qui déplaira peut-être à certains "puristes" mais qui dévoile une réelle ouverture artistique ainsi qu'une polyvalence certaine de la part de celui qui a délaissé son titre de Noble. Dans le même esprit, on pourra citer l'excellent "Paso Doble" (qui mérite plus que l'appellation d'interlude), sombre et funeste egotrip qui résonne comme un glas pour la concurrence...

Pour les amoureux de "L'été à Paris", le track "Overdose" semble leur être dédié puisqu'on y retrouve toute la vibe que l'homme nous amène depuis l'expérience The Hop (présents ici) mais, bien que le morceau possède une qualité intrinsèque supérieure, il est légèrement hors-sujet sur ce projet. Mais ne boudons pas notre plaisir, car ce mini-album ne connaît pas de véritable baisse de régime et continue de planer dans l'atmosphère avec le très doux et romantique "On Est Deux" et le plus remuant et audacieux "More Love", deux façons différentes de parler d'amour avec cette patte qui est propre à Espiiem. Enfin, l'opus se clôture sur "Casino", où la vie n'est qu'un jeu valant tout de même le coup d'être jouée, sans oublier un track caché permettant d'achever le tout en véritable apesanteur...

Alors, évidemment, l'oeuvre n'est pas exempte de critiques et l'on pourrait reprocher un mix parfois trop "français" (voix trop en avant) ou encore une légère tendance qu'aurait le MC à se paraphraser dans ces thématiques (mais qui ne le fait pas?). Ce serait oublier à quel point Espiiem évolue littéralement en altitude rapologique, loin au dessus de la masse grouillante et sans relief. "Haute Voltige" est un album solide, audacieux, s'équilibrant entre bangers et morceaux plus intimistes, permettant de dévoiler un peu plus ce personnage à la fois ghetto et messianique que peut-être Espiiem, le tout en attendant un d'ors et déjà annoncé long format.